La Tourbière des Éplatures Temple par Thierry Bettosini

La Tourbière des Éplatures et l’étang de Bonne Fontaine, derniers écosystèmes naturels et sauvages de La Chaux-de-Fonds, réserve naturelle sous la protection de la Ville, du Canton et de la Confédération, ont été très fortement impactés par la tempête du 24 juillet 2023, et personne n’en parle dans les médias. Il s’agit de ne pas oublier ces milieux exceptionnels pour la biodiversité spécifique de notre région.

Je suis particulièrement sensible à ce biotope puisqu’en 1986, j’ai effectué mon mémoire de licence à l’Université de Neuchâtel, Écologie de la Tourbière des Éplatures ( Haut-Jura ), Étude phytosociologique et zoologique » , sous la conduite du Professeur J-L. Richard et du Professeur W. Matthey.

J’ai aussi enseigné la biologie au collège des Forges pendant 40 ans, et tous les élèves que j’ai eus dans mes classes ont bénéficié de « sorties en nature » dans ce milieu naturel proche du collège, pour y faire de l’observation de la faune, de la flore, et du sol tourbeux.

J’ai transmis cette étude aux autorités de la Ville de La Chaux-de-Fonds pour les rendre attentives à la valeur exceptionnelle de ce milieu qui n’était pas encore sous protection.

La Ville a fait les démarches pour cartographier la zone à protéger, a transmis le dossier au Canton qui l’a relayé à la Confédération afin de le faire inscrire officiellement (1991) dans la liste des Haut-marais et des marais de transitions d’importance nationale appartenant au canton de Neuchâtel.

J’avais à l’époque signalé le fait que les grands épicéas qui peuplaient la partie exploitée pour la tourbe à l’époque, étaient une aberration puisqu’ils ne faisait pas partie de la flore d’une tourbière, et qu’ils représentaient une menace pour l’équilibre hydrique du sol, puisque l’évapotranspiration des ces grands conifères agissait comme une pompe d’assèchement du sol tourbeux.

Des coupes en conséquence ont été effectuées, et la Ville a mandaté un bureau d’étude en écologie pour envisager une politique de régénérescence de la tourbière qui avait une fâcheuse tendance à s’assécher. La construction d’un mur, entre la ligne de chemin de fer et le côté nord de la tourbière, a été réalisée afin d’éviter l’écoulement de l’eau du sol dans le ruisseau qui longe la ligne de chemin de fer. L’eau ainsi retenue dans une sorte de baignoire par le mur et la couche de marne naturelle placée au-dessous de la tourbière, allait permettre une régénération des sphaignes, mousses essentielles à la fabrication du sol tourbeux.

Le projet, quoique très positif en termes de vision à long terme, m’a toujours paru idéalisé, puisque la régénération d’un haut-marais est estimée à 10’000 ans !

De plus l’inondation de cette zone a joué en défaveur des effets dévastateurs de la tempête du 24 juillet 2023, puisque tous les bouleaux, ancrés dans un sol submergé d’eau, n’ont pas pu résister au vent et se sont couchés.

Une intervention de bûcherons pour sécuriser cette zone sera indispensable, mais vu la particularité de cet écosystème, il me semble judicieux de mandater un biologiste écologiste pour accompagner ces travaux. Il ne suffirait pas d’envoyer l’armée !

Il n’y a rien à précipiter, il vaut mieux prendre le temps de la réflexion. Il y a des priorités en ville plus urgentes en termes sécuritaires, et le plus simple serait d’entourer la Tourbière d’un bandeau en plastique et de quelques panneaux d’informations, interdisant de s’aventurer dans cette forêt pour raison de sécurité.

C’est une fois que les urgences de la ville seront résolues qu’il faudra envisager de faire couper les troncs déstabilisés par des bûcherons.

Mais attention, il ne faut sous aucun prétexte faire entrer des tracteurs pour sortir les troncs coupés, car avec un sol tourbeux inondé, cela serait un massacre pire que la tempête.

Je vois deux solutions possibles :

  • la première serait de sortir les troncs coupés par hélicoptère comme on le fait en Valais, et pourquoi pas demander cela à l’armée ou d’essayer d’obtenir une aide financière fédérale.
  • La deuxième, moins onéreuse, consisterait à sortir les troncs coupés à l’aide de chevaux spécialisés pour cette activité. On pourrait demander une aide au canton du Jura, qui pratique cette technique dans les forêts du Doubs.

Une dernière réflexion concerne l’intervention humaine dans ce milieu, un sol tourbeux, qui est au centre de la préoccupation de préservation. La tempête a couché les bouleaux principalement en arrachant, avec les racines, des quantités de tourbe, créant ainsi des fosses profondes.

Je trouve qu’il serait intéressant, une fois les arbres coupés et enlevés, d’essayer de tracter, avec des treuils, les racines verticales à l’horizontale afin de reboucher les trous en laissant les souches. La nature fera le reste.

Une dernière réflexion sur l’intervention humaine dans ce milieu concerne le sol tourbeux qui est au centre de la préoccupation de préservation. La tempête a couché les bouleaux, principalement en arrachant, avec les racines, des quantités de tourbe en créant des fosses profondes. Je trouve qu’il serait intéressant, une fois les arbre coupés et enlevés, d’essayer de tracter avec des treuils, les racines verticales à l’horizontale afin de reboucher les trous en laissant les souches, la nature fera le reste.

Pas besoin de replanter des arbres, les jeunes pousses de bouleaux sont nombreuses et vont assurer la relève naturellement.

Dernière suggestion, le bas-marais ouest de la tourbière n’a pas subi de dégâts importants; en revanche le petit étang au sud de la tourbière, qui avait été creusé il y a une vingtaine d’années sur la proposition du directeur du Centre des Forges puis conservateur du Musée d’histoire naturelle, Monsieur Willy Lanz, est complètement recouvert par les cimes des arbres couchés. Il faudrait le dégager afin qu’il accède à nouveau à la lumière du soleil. Il est un réservoir important pour les tritons et les crapauds ainsi que pour plusieurs insectes aquatiques, dont les larves de libellules, et on connait l’importance de préserver les amphibiens et les insectes de notre région.

Voilà mes réflexions de base à propos de cette tourbière, ce petit joyau écologique, et j’espère qu’elles pourront servir de base à l’élaboration d’une stratégie de restauration de cet écosystème.

                                                                                Thierry Bettosini

                                                                                           thierry.bettosini@gmail.com

Laisser un commentaire